Impact de la crise du COVID-19 sur la réglementation bancaire

Article rédigé par notre Consultante Experte H.TESSA

L’urgence sanitaire liée à la pandémie du coronavirus COVID-19 a imposé au monde la réduction des activités quotidiennes, impactant ainsi les dépenses. Aussi longtemps que les mesures de confinement dureront, une grande partie de l'économie sera arrêtée.

Or, cette situation impacte sur les flux de trésorerie des entreprises (et surtout des PME), mettant en risque leur survie ainsi que les emplois.

Face à cette tragédie humaine et ce choc économique sans précédent, les Etats européens et les autorités économiques, financières et prudentielles ont dû mettre en place un certain nombre de mesures afin de répondre aux priorités immédiates de stabilité financière.

Réactions des gouvernements et des superviseurs bancaires

Banque Centrale Européenne

En réaction à la crise du coronavirus, le 12 mars 2020 la Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé plusieurs mesures à prendre. Ces dernières ont été confirmées lors du communiqué de presse de du 20 mars 2020 :

  • La BCE donne aux banques une plus grande flexibilité dans le traitement prudentiel des prêts garantis par des mesures de soutien public
  • La BCE encourage les banques à éviter les effets procycliques excessifs lors de l'application de la norme comptable internationale IFRS 9
  • La BCE active les mesures d'allègement de capital et opérationnel annoncées le 12 mars 2020
  • Le montant de l'allégement de capital s'élève à 120 milliards d'euros et pourrait être utilisé pour absorber des pertes ou potentiellement financer jusqu'à 1,8 mille milliards d'euros de prêts.

Le 27 mars 2020, la BCE actualisa ses recommandations aux banques dans un communiqué sur la distribution des dividendes afin de renforcer la capacité des banques à absorber les pertes et à soutenir les prêts aux ménages, aux petites entreprises et aux entreprises pendant la crise. Les banques ne devraient donc pas verser de dividendes pour les exercices 2019 et 2020 avant au moins le 1er octobre 2020 et devraient également s'abstenir de racheter des actions visant à rémunérer les actionnaires.

Autorité Bancaire Européenne

Plusieurs publications ont été faites par l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) pour soutenir les mesures proposées et prises par les gouvernements nationaux et les organes de l'Union Européenne visant à lutter et atténuer l'impact économique systémique négatif lié à la crise du COVID-19 sur le secteur bancaire de l'Union Européenne. Elles concernent notamment :

  • Le report des stress tests à l'échelle de l'Union Européenne de 2020 à 2021
  • Des directives sur l'application du cadre prudentiel en matière de défaut, de concessions accordées (Forbearance) et d'IFRS9, à la lumière des mesures prises pour soutenir les entreprises.
    l'ABE publia en effet le 25 mars 2020 une déclaration sur la manière d'appliquer les règles de définition du défaut (DoD), de Forbearance (FB) et du traitement comptable selon IFRS 9 (ECL). Le principe de base du DoD, du FB et de l'ECL est d'assurer une bonne identification des actifs dépréciés.

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire

Au regard de l'impact du COVID-19 sur le système bancaire mondial, les gouverneurs de banque centrale et responsables du contrôle bancaire (GHOS), ont approuvé le 27 mars 2020 un ensemble de mesures visant à fournir une capacité opérationnelle supplémentaire aux banques et aux autorités de surveillance pour répondre aux priorités immédiates de stabilité financière.

Ces mesures comprennent des modifications du calendrier de mise en œuvre des normes Bâle III en cours:


Mesure

Date de mise en œuvre initiale

Date de mise en oeuvre révisée

Révision du "leverage Ratio" et du "G-SIB buffer"

1 Janvier 2022

1 Janvier 2023
Révision de l’approche standard de risque de crédit1 Janvier 20221 Janvier 2023

Révision de l’approche IRB du risque de crédit
1 Janvier 20221 Janvier 2023
Révision du calcul du risque opérationnel1 Janvier 20221 Janvier 2023

Révision du calcul de la CVA
1 Janvier 20221 Janvier 2023
Révision du calcul du risque de marché1 Janvier 20221 Janvier 2023
Plancher en capital (output floor)1 Janvier 2022 ; Mise en œuvre progressive jusqu'au 1 Janvier 20271 Janvier 2023 ; Mise en œuvre progressive jusqu'au 1 Janvier 2028
Révision des informations à publier au titre du Pilier 31 Janvier 20221 Janvier 2023

Source : https://www.bis.org/press/p200327.htm

Chefs d’Etat de l’Union Européenne

Afin de soutenir la reprise après la crise du coronavirus les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Européenne ont conclu jeudi 23 avril 2020 un accord de principe sur la création d’un fonds d’urgence de près de 1.000 milliards d’euros. Cette nouvelle enveloppe représente 1% du produit intérieur brut (PIB) des 19 pays de la zone euro. Par ailleurs, les décisions sur ses modalités et son financement pourraient prendre quelques mois.

En France, le gouvernement a également lancé d’autres mesures afin de soutenir les entreprises (et particulièrement les PME) et de minimiser l’impact de la crise sur leur flux de trésoreries comme les prêts garantie par l’Etat (PGE), les reports des échéances crédits par les banques, le rachat de dettes publiques ou privées.

Et après... ?

Différentes mesures ont ainsi été annoncées par les Etats européens et les régulateurs bancaires (flexibilité des règles prudentielles, relance budgétaire, assouplissement des critères budgétaires, créations de fonds de soutien, politique monétaire, rachat de dettes publiques ou privées...) pour soutenir l’économie européenne et réduire la durée de récession.

La crise du COVID-19 invite alors à réfléchir aux conditions d’application des mesures d’assouplissement prudentiel annoncées par les superviseurs bancaires. Notamment sur la partie « dépréciation » de la norme IFRS9, le calcul des différents provisionnements en lien avec le risque de crédit prend en compte les données économiques prospectives et par conséquent tient compte des différents cycles économiques.

Cependant, dans les circonstances économiques actuelles dramatiques et d’extrême incertitude, il est fort probable que la qualité de nombre de crédits accordés soit sensiblement dégradée. L’application stricto sensu de la norme ne peut s’effectuer dans un contexte exceptionnel tel que cette crise, puisqu’elle conduirait les différentes banques à constituer des niveaux de provisionnements précoces difficilement supportables et peu compatibles avec les objectifs de soutien et de relance de l’économie annoncés par les autorités politiques et prudentielles.

Un arbitrage devra alors s’effectuer entre les avantages d’une prise en compte d’effets procycliques en « temps normal » ainsi que les risques et les limites en « période de crise ». De ce fait, compte tenu de la complexité des dispositions transitoires, il est important pour les banques de réévaluer l'impact dynamique d'IFRS 9 dans les nouvelles circonstances macroéconomiques (par exemple avec différents scénarios de provisionnement).

Ainsi, face à l’ébranlement général qu’a suscité la pandémie du COVID-19 dans le monde, les autorités de supervision et de surveillance prudentielles suivent attentivement les évolutions et les risques que cette crise pourrait avoir sur la sécurité et la solidité des établissements ainsi que sur leur capacité à continuer de financer l’économie réelle. Pour l’heure, le gouvernement français a communiqué le 28 avril 2020 un plan de déconfinement progressif à partir du 11 mai 2020, permettant ainsi une reprise de l’activité économique.

A suivre...